St Gilles Quatre oreilles pour Thomas BOURNEL

01 octobre 2007

Article écrit par le Maestro Frédéric Pascal.

Ceux qui n'ont pas pris la peine de se déplacer pour assister à cette finale de graine de torero ont eu tord. Ils ont perdu un après midi d'excellent niveau pour cette catégorie de spectacle. Malgré leur jeune age et leur peu d'expérience les trois candidats se sont comportés comme des professionnels en puissance. Ils se sont livré une compétition sans concession, y compris lors du tercio de banderilles, qu'il ont brillament partagé à tous les novillos. Chacun à sa façon, a su résoudre les nombreux problèmes que posaient les pupilles de Marc et Luc Jalabert. Mobiles et avides d'en découdre (codiciosos), ces derniers se sont montrés braves, sauf le quatrième qui chercha les planches, mais jamais niais. Ils se sont révélés difficiles à lidier pour les cuadrillas et mirent rudement à l'épreuve leurs matadors. Le plus complet fut le troisième avec lequel le cinquième aurait pu rivaliser s'il avait bénéficié d'un meilleur travail en profondeur. Marc Antoine Romero; silence et salut. Thomas Dufau; oreille et oreille. Thomas Bournel; deux oreilles et deux oreilles.

Le premier resta court dès les premiers capotazos puis développa une incommode propension à dodeliner de la tête dans les suertes. Fort de son métier déjà affirmé M.A. Romero l'aborda avec assurance mais ne put éviter de voir sa muleta crochetée par les violents dégagement latéraux de la corne droite. A la naturelle, il tira mieux parti d'une corne gauche à peine plus abordable. 2/3 habile. Silence. Le mansote quatrième chercha rapidement l'abri des planches. Il donna dans ces terrains de longues et claires trajectoires droitières. A gauche il appelait une main très autoritaire pour se laisser soumettre. M.A. Romero lui servit une faena scolaire, dont le fil conducteur se rompit trop souvent. Entière perpendiculaire et decabellos au troisième essai. Salut. Mal servi au sorteo, le lauréat de l'an dernier n'a pas démérité, mais n'a pas pu hisser son jeu au niveau de ses compagnons de cartel.
Le second baissait la tête mais demandait à être beaucoup attendu pour se départir d'un méchant crochet de la corne dans la passe. Jouant plus sur le registre du tempo que sur le temple et la profondeur, Thomas Dufau évolua habilement à la pointe des cornes, réussissant d'estimables séries, alors que son adversaire se transformait en petit démon. Il tua courageusement d'un entière portée en laissant la jambe dans le berceau. Petite pétition, pertinemment interprétée par le Président (J.P. Fournier) qui accorda une oreille amplement méritée. Le cinquième humiliait mais fléchit plusieurs fois. Thomas Dufau fut moins convainquant avec lui. Obligé de compenser la faiblesse par un toreo à mi hauteur, il en oublia aussi les autres fondamentaux de la domination que sont le temple et les cites en avant. Résultat un travail d'opportuniste, habile mais superficiel, parsemé de remates allurés qui tinrent lieu de structure. ¾ de lame portée avec détermination. Descabello. Une oreille.
Comme ses frères, le troisième sortit au galop et tête basse mais, avide de combat, ne laissa aucun répit aux piétons, se retournant comme un chat pour répéter immédiatement ses assauts. Il eut la chance d'être torée par Thomas Bournel qui, outre le fait d'avoir d'excellents fondamentaux sait, comme les meilleurs, se déplacer discrètement derrière sa muleta pour perdre des pas et donner de l'air à ses adversaires. Ainsi, muleta en avant et dans la bonne cadence, il s'appliqua à toujours se retrouver à la bonne distance pour se jouer de son collant (pegajoso) adversaire. Maestro à droite, plus laborieux à gauche, il remata toujours avec classe. Deux oreilles après un pinchazo et une entière un peu en avant. Le dernier fonçait tête basse mais répétait avec vivacité en avançant sans cesse sur l'homme. Bien décidé à ne pas vendre sa peau au rabais il obligea Bournel à payer de sa personne. Ce dernier s'exposa beaucoup en citant muleta très avancée et arriva à lier grâce à son sens du temple et à la pertinence de son placement. Il conclut in crescendo par sa meilleure série dans l'émotion générale. Entière efficace en avant. Deux oreilles et déclaré lauréat de l'édition 2007.

Ce concours à été le plus relevé, techniquement parlant, depuis le lancement de l'opération « Graine de Torero », ce qui prouve que la qualité globale des élèves monte. Il est heureux que la tranquille progression de Thomas Bournel ait trouvé a s'y illustrer et que sa maîtrise des fondamentaux ait fait la différence.